| Qui sont les Toura ?
Le peuple toura réside dans une région montagneuse à l’ouest de la Côte
d’Ivoire – au nord de Man, la capitale de l’Ouest
et à 650 km d’Abidjan, la métropole économique du pays
– entre les latitudes Nord 7° et 8° et les longitudes Ouest
également 7° et 8°.
La ville de Biankouma – centre administratif et commercial du district
du même nom dont fait partie le pays toura – est situé à 40 km au nord
de Man, mais en dehors de l’habitat toura proprement dit.
La langue, le wεεn (prononcé „wεε“), également appelée toura,
est parlée par environ 80'000 personnes disséminées dans 52 villages
, mais dont une bonne partie ont émigré vers les zones
urbaines du sud où il se regroupent pour former, parfois en deuxième
génération, la diaspora toura – sans toutefois couper
les ponts, ni mentalement ni économiquement, avec la communauté
d’origine.
Echantillon de langue:
He_buys_wine_Il_achète_du_vin.mp3
He_buys_salt_Il_achète_du_sel.mp3
Waveform [Speech Analyzer]
L’habitat toura est partagé entre deux zones climatiques à
caractéristiques opposées, avec cependant une particularité importante
qui fait son originalité : son relief. Par ses forêts-galeries, sa
partie méridionale fortement accidentée, marquée par les hauteurs des
Monts Toura qui s’élèvent jusqu’à 1100m, il prolonge la
forêt dense et humide qui s’étend le long du Golfe de Guinée et couvre
la moitié sud de la Côte d’Ivoire. Vers le nord, le territoire toura
enjambe le fleuve Bafing, qui le traverse d’ouest en est
avant de rejoindre le Sassandra, et participe à la physionomie et au
climat de la savane qui s’étend sur le vaste plateau du Worodougou
habité par les populations manding. C’est donc l’éco-système humain -
le peuplement, la langue et la symbiose culturelle et économique des
habitants tantôt montagnards tantôt de savane – qui fonde l’unité
territoriale de cet éco-système naturel à double face.
Cependant de part et d’autre, la topographie des lieux rend la région
difficile d’accès, tout particulièrement en saison de
pluie. Déjà en temps de paix, les pistes ensablées ou
parsemées de rochers ne sont pas praticables à cette période.
L’emplacement du domaine toura, certes défavorable à l’essor
économique, s’est toutefois révélé être un véritable atout en temps de
crise, comme lors des incursions de l’armée de Samory à la fin du 19e
siècle, avant l’ère coloniale, et récemment lorsque la guerre
civile a éclaté le 19 septembre 2002. Géographiquement parlant, les
Toura vivent en plein cœur de la région frappée par le conflit
armé. Mais, paradoxalement, ils ont été épargnés du pire et
ont même pu offrir l’asile à des personnes qui fuyaient la guerre, sans
distinction de parti ou d’appartenance ethnique.
Cependant la situation économique déjà précaire avant la crise
actuelle, mais aggravée par l’enlisement de celle-ci - à quoi s’ajoute
une dégradation massive sur le plan écologique, avec, notamment, la
surexploitation des palmiers - est devenue intenable
aujourd’hui.
Peut-elle néanmoins, à moyen terme, s’avérer être un atout
pour le développement ? Les recherches en cours du projet LAGSUS promettent d’apporter des
éléments de réponse à cette question ainsi qu’à d’autres, en vue de
l’élaboration d’une stratégie de développement mieux adaptée aux
régions périphériques et enclavées et aussi aux situations de crise,
ici comme dans d’autres régions du monde.
Toutes les décisions importantes - ¬qu’elles concernent le clan, le
village ou, par exemple, une association villageoise – se prennent dans
la case à palabres. Elle représente le centre
névralgique du village ; lieu où le savoir
local côtoie le savoir innovateur importé, pour
apporter des solutions permettant de faire face
aux défis du présent et de l’avenir. Aucune solution durable ne peut se
trouver ni se mettre en pratique en contournant ce haut lieu de réflexion et de
gestion des affaires villageoises.
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